Le train qui roule

Attendre d’être prêt ou etre accepté pour se lancer

Dans ma vie, j’ai souvent ressenti cette étrange impression : vouloir monter dans un train déjà lancé, mais être poussée dehors à chaque tentative.

Alors je me relève, j’essuie la poussière, et je cours de nouveau pour sauter, m’accrocher, trouver une place, quelques minutes de répit…

Puis un autre bras — plus ferme, plus dur — me repousse encore, et je retombe, le corps heurté par les graviers et les herbes sèches.

Étourdie, je me relève encore.Mes pas épousent tant bien que mal le rythme des rails.Pourquoi ce besoin absolu de monter dans ce train ? Qui est là-dedans ?

Et pourquoi m’en éloigne-t-on toujours ?

Ce train semble rempli de gens heureux, forts parce qu’ils sont ensemble : en famille, en clan, en groupe.Ils ne sont jamais seuls. Ils réussissent, se soutiennent, avancent comme si la route s’ouvrait naturellement sous leurs pieds. Je veux tellement être acceptée par eux, adoptée par leur certitude… mais pourquoi ?

J’ai compris que c’est moi qui me repoussais. Je rejetés ma nature profonde.

Je refuse ma solitude, ma différence, mes racines dispersées…Je suis une déracinée, une enfant d’une famille éclatée, orpheline de son père et d’une partie de sa nation.

Je voulais être comme eux, parce que ressembler au groupe, c’est être protégée.Un vieux réflexe, enfoui au plus profond de l’être.

Les bras qui me poussent hors du train ? Ce sont mes peurs. Mon incapacité à me croire légitime. Mon refus d’habiter pleinement qui je suis.

Mais si mon chemin n’était pas celui du train ? Si je devais avancer autrement ?

Je peux marcher, chevaucher, voler même.

Qu’importe la vitesse ou le véhicule : ce qui compte, c’est d’avancer en paix avec soi. S’accepter tel que nous sommes, avec nos manques, notre histoire, nos racines parfois fragiles, mais aussi cette flamme intérieure qui brûle doucement comme un feu de cheminée.

Cette chaleur humaine, c’est mon trésor, ma famille, mon clan.

Quand on s’apaise, on peut enfin monter dans ce train, partager un moment, rire, échanger… puis descendre avec joie, avec liberté.

Dire au revoir, offrir un sourire, un geste tendre, et se réjouir du prochain train qui passera.

Combien sommes-nous à refuser notre vraie nature ?

À craindre d’être différents ?

Être comme tout le monde n’a jamais garanti d’être aimé.

Mais être soi-même, c’est la preuve profonde que l’on a trouvé le courage de se reconnaître.

Monter dans ce train avec le cœur léger, et aimer en descendre libre :

voilà, pour moi, la clé.

Le chemin vers soi